C’est pendant que j’observais la lune à travers la vitre de
l’auto que m’est venu ce souvenir de ma mère. La lune est un symbole maternel
après tout.
Elle est née au premier jour du printemps. Elle serait
presque centenaire si elle était encore avec nous. Ma mère aimait beaucoup
conduire la voiture familiale et même après avoir heurté une borne-fontaine au
début de son apprentissage, elle ne s’en privait pas. Mon père l’a longtemps
taquinée à ce sujet d’ailleurs...
Je me rappelle encore son air courroucé quand, quelques
années avant son décès, un énorme panneau publicitaire était apparu dans la
ville. Il y était affiché cet impératif : « Tasse-toi mon
oncle. » Elle n’était plus jeune. Cette publicité l’avait insultée
personnellement.
Quand je suis venue étudier à Montréal, croyant que je
partageais son désir d’avoir une auto, elle m’en avait acheté une, usagée, vert pâle. Je ne sais plus quelle marque
c’était, et je pense bien que je ne l’ai jamais su. Je suis allée chercher ma
bagnole et je suis revenue dans la grande ville. Je l’ai
gardée deux semaines. Une auto à Montréal, très peu pour moi. Je me
débrouillais très bien en autobus et en métro, j’allais partout dans la ville,
sans aucun problème. Une auto m’embarrassait. Il fallait la garer dans
Côte-des-Neiges, ce n’était jamais le bon côté de la rue. Pire encore, c’était
peut-être l’hiver.
Contrairement à ma mère, je n’ai jamais aimé conduire.
Encore maintenant c’est le cas. Peut-être à cause de mon premier souvenir
d’enfance. Mais ça, c’est une autre histoire.